Le 20 novembre 1989, la Convention internationale des droits de l'enfant a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies. Néanmoins, 31 ans plus tard, nous devons encore faire le constat inacceptable que le taux de pauvreté des enfants en Belgique et dans le monde est très élevé. En Belgique, un enfant sur cinq grandit dans la pauvreté. Dans le monde, un enfant sur trois. Selon les dernières projections de l’UNICEF, ce chiffre risque encore d’augmenter en raison de la crise liée à la COVID-19. Afin d’attirer l’attention et de sensibiliser à cette injustice, UNICEF Belgique et les réseaux de lutte contre la pauvreté, réunis au sein de BAPN, ont organisé une rencontre en visioconférence entre Sa Majesté la Reine et des jeunes, ainsi que des familles en situation de vulnérabilité.

Au début de la réunion, sa Majesté la Reine a souligné la rudesse des chiffres en lien avec la pauvreté des enfants et l’urgence de travailler à améliorer leur qualité de vie

“Les enfants ont des droits individuels. Pourtant, de nombreux enfants sont privés de ces droits en raison de la discrimination, de l'exclusion et de la pauvreté. Cela a des conséquences majeures sur la santé mentale des enfants.” - Sa Majesté la Reine

En tant que Présidente d’honneur d’UNICEF Belgique, la Reine Mathilde a rappelé à quel point il est important d’écouter les témoignages des enfants et des familles.et de dialoguer avec eux.
Lors de la réunion, deux jeunes, deux familles vulnérables et deux familles au statut de séjour précaire ont pris la parole.

Pawel, un jeune adulte : 

“Au début de la crise de la COVID-19, j'étais un peu perdu, je me sentais souvent seul. Je suis des cours à l'académie des beaux-arts, mais ceux-ci n’ont pas pu se poursuivre. Mon rythme quotidien était perturbé. S'adapter constamment aux mesures changeantes et à la situation demande beaucoup d'énergie. Il y a beaucoup de jeunes qui étaient déjà en difficulté avant la crise du coronavirus. Les jeunes vulnérables ont du mal à s'en sortir. Beaucoup d'entre eux ne se sentent pas bien dans leur peau, ont de mauvaises pensées et n’ont plus guère d’endroits où se rendre. Avec l’association “ Betonne Jeugd”, j'essaie de leur prêter une oreille attentive et de les soutenir. Grâce à des moments de rencontre et des activités de détente en respect avec les mesures sanitaires, ils peuvent s'évader de leur réalité quotidienne, ne serait-ce que pour un instant.”

Alizée, âgée de 13 ans : 

"Je vis avec mes parents, mes grands-parents et mon arrière-grand-mère dans une maison. Mes parents voudraient trouver un logement pour que nous vivions à nous trois, mais financièrement c’est dur. Un petit studio c’est déjà 500 euros de loyer. En plus, il faut que le logement ne soit pas trop loin de mon école, car nous n’avons pas de voiture et se déplacer en bus n’est pas toujours facile. C’est cher aussi... J’aime beaucoup aller à l’école surtout pour voir mes amis. Parfois l’école c’est dur aussi. En primaire, j’ai déjà été critiquée parce que j’avais mis la même tenue deux jours de suite. Les autres disaient que je ne me lavais pas, ce qui n’était pas vrai...Pour le moment avec la COVID-19, tout est bousculé à l’école, c’est compliqué...Le sport compte aussi beaucoup pour moi. On m’encourage à faire des compétitions, mais tout ça c’est cher...J’ai tout ça en tête, tout ce qu’il faut payer. Je sais que tout le monde ne pense pas à cela. Ce n’est pas normal de devoir tout le temps penser aux frais et à l’argent."

Cindy, une maman : 

“Le premier confinement a causé beaucoup de stress et de frustration. Nous vivons dans un petit appartement sans jardin. Les terrains de jeux, les piscines, ... étaient fermés. J'avais le sentiment d'avoir échoué en tant que parent parce que je devais dire “non” à tout. Aller dans un parc et y voir un terrain de jeux auquel l’accès est interdit, c'est difficile et on ne sait pas expliquer cela à un enfant de 5 ans. Maintenant, les terrains de jeux sont ouverts, mais avec l'hiver qui est à notre porte, c’est moins attrayant. Faire face à cette impuissance au quotidien est épuisant et pèse sur mon moral. Il y a beaucoup de parents qui sont dans la même situation que moi. L'école de mon fils est actuellement à nouveau fermée à cause de la COVID-19, quel impact cela aura-t-il sur son développement personnel futur? Je suis très inquiète à ce sujet.”

Virginie, une maman : 

"Je suis une maman seule avec 4 enfants. Malgré un emploi, cela reste compliqué de subvenir aux besoins de ma famille quand on est seule pour faire face à tous les frais...L’alimentation c’est compliqué. On ne mange pas un repas équilibré tous les jours, car pour une bonne alimentation variée, il faudrait un budget immense. Pour le moment, les courses ont fortement augmenté et donc cet aspect est encore aggravé pour les familles avec moins de revenus...Dans le passé, je ne me suis pas soignée. J’ai reporté les soins faute de moyens et à présent, j’en paie les conséquences. Les limites financières ont aussi des conséquences sur l’école. A ce niveau, mon fils a fait face à de la discrimination à cause du non-paiement de factures. Un jour, il a dû faire ses devoirs dehors, car je n’avais pas payé la garderie. Au niveau des loisirs, ces respirations bien nécessaires pour faire tomber le stress et profiter en famille, c’est impossible. Le cinéma, les vacances, les week-ends, on n’y goûte jamais...On a une vie faite de privations...Le chemin est rempli de frustrations en particulier pour les enfants qui subissent malgré eux, et cela en tant que maman, c’est très lourd à assumer."

Tina, une maman avec un statut de séjour précaire :

”Je suis en Belgique avec ma famille, sans papiers. Mon mari est originaire du Libéria et moi du Nigéria. Mes deux fils sont nés en Belgique. Un jour, ils ont séparé notre famille pour nous expulser, chacun vers notre pays respectif. Ce jour-là, je ne savais pas où étaient mes enfants et si je les reverrais un jour. Aujourd'hui encore, les enfants sont traumatisés par ces faits. Depuis que nous vivons en Belgique, nous avons déménagé 17 fois. Mes enfants ont fréquenté 7 écoles différentes. C'est vraiment très difficile pour nous, surtout pour les enfants.”

K., une maman avec un statut de séjour précaire : 

“Je suis maman de 4 enfants ; ils sont tous nés ici. Ça fait 14 ans que nous sommes en Belgique et l'aîné a 11 ans. Deux enfants vont à l’école néerlandophone, 2 à l’école francophone. Pour les enfants en séjour illégal, il n’y a rien. Ils n'ont pas de droits. Il n’y a même pas à manger. Tout est difficile. Avec la crise du coronavirus c’est encore pire. Je cours de droite à gauche pour tout. Partout où je demande de l’aide la réponse est identique : “non, vous n’avez pas de papiers."

Lors de la réunion, Dirk Jacxsens, directeur général de l’UNICEF Belgique, a appelé à des actions urgentes.

“C'est maintenant ou jamais. Nous appelons tout le monde à se joindre à nous pour tout mettre en œuvre afin de mettre fin à la pauvreté des enfants en Belgique et dans le monde et de protéger les enfants et les familles les plus vulnérables. Ensemble, nous avons la possibilité d’inverser la tendance de cette crise des droits de l'enfant et de repenser un avenir meilleur pour chaque enfant !”

Caroline Van der Hoeven, coordinatrice de BAPN, a souligné qu’il est de notre intérêt à tous de s’attaquer à la pauvreté des enfants. 

“La pauvreté implique non seulement que les droits des enfants et des familles ne sont pas respectés dans divers domaines (éducation, santé, alimentation, logement, revenu familial, etc.); cela signifie également une perte énorme pour les enfants et leurs familles, notre économie et le vivre ensemble en général".

UNICEF Belgique et le BAPN tiennent à remercier Sa Majesté la Reine d'avoir écouté les jeunes et les familles vulnérables à l'occasion de la Journée internationale des Droits de l'Enfant. En effet, la participation n'est pas seulement un droit fondamental, elle est également d’un intérêt crucial dans la recherche de solutions à la problématique de la pauvreté des enfants et des familles. Nous tenons également à remercier sincèrement les jeunes et les familles pour leurs témoignages courageux qui permettent ainsi de faire bouger les choses pour les nombreux enfants, jeunes et familles qui se trouvent en situation de pauvreté en Belgique