Mais où sont passés les enfants ? Les élections se profilent et, lorsqu’on écoute les candidats, on est assailli par une drôle d’impression. Celle de vivre dans un pays un peu terne, dépourvu d’enfants, où leurs droits sont abordés aux marges de la campagne électorale.
Comme à chaque élection, on trouve bien quelques chapitres, dans les programmes électoraux, consacrés aux 'droits de l’enfant'. La participation des enfants est évoquée du bout des lèvres mais reste cantonnée dans l’angle mort du débat public.
Cette participation des enfants aux décisions qui les concernent est pourtant un droit, inscrit noir sur blanc dans la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par la Belgique. Il existe bien sûr des initiatives positives, soutenues par les pouvoirs publics, comme la participation de jeunes de 10 à 12 ans au Sommet des enfants pour le climat, lancé par l’UNICEF Belgique le 13 novembre dernier, ou « Présents pour le futur », débat organisé par le Fondation Roi Baudouin, qui a vu plus d’un millier de jeunes plancher sur le stockage des déchets nucléaires. Des propositions intéressantes, hors des cadres, jaillissent de ces moments. Mais la Belgique doit aller beaucoup plus loin. La participation devrait être au cœur des propositions des partis en lice. C’est une des clefs pour faire face à la désaffiliation politique des jeunes, à leur défiance grandissante.
Les enfants sont les plus vulnérables face aux crises à répétition qui frappent notre planète et notre pays : inflation, confinements, inondations, conflits. Sur tous ces thèmes, les enfants ont des choses à dire.
Car ces crises détricotent les droits de l’enfant, dont le non-respect n’est pas l’apanage de pays pauvres et lointains. Chaque jour, en Belgique, ces droits sont violés, alors qu’ils devraient être la boussole d’une politique juste et humaine. Sans action musclée, ancrée dans la participation, nos jeunes seront relégués au rang de génération sacrifiée.
La pauvreté infantile : priorité absolue
Lorsqu’on parle de droits de l’enfant, la 'mère de toutes les batailles', la priorité absolue des futurs gouvernements devrait tenir en quelques mots : la lutte contre la pauvreté infantile.
Les larmes ne suffisent plus, il faut agir. La pauvreté infantile croît inexorablement, d’année en année, comme une marée puissante, lente et destructrice, érodant les fondations de notre cohésion sociale et le développement des enfants.
Quelques chiffres : en Belgique, 18,7% des Belges courent un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Les enfants sont encore plus concernés, puisqu’on compte près de 400.000 enfants dans cette situation. Par ailleurs, 12,8% des enfants sont en situation de privation matérielle. Ces données sont ahurissantes. Les chiffres cachent mal l’ampleur des drames humains, lorsque des parents sont contraints de choisir entre se chauffer et manger un repas.
Cet état de privation grignote tous les droits des enfants. Le droit de vivre dans un logement décent, le droit à une alimentation saine, le droit au loisir, à la santé. Quant à l’éducation, elle amplifie les inégalités et relègue les plus fragiles dans des filières trop peu valorisées.
La pauvreté infantile n’est pas une fatalité. Des mesures concrètes pourraient changer la donne. Nous les détaillons dans notre Mémorandum (que vous pouvez télécharger dans cet article), publié avec la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant et la Kinderrechtencoalitie Vlaanderen.
Nous n’allons pas ici égrener cette liste de recommandations. Mais une décision devrait traverser les engagements de tous les futurs gouvernements : ériger la pauvreté infantile au rang de priorité nationale. Et, ainsi, actionner tous les leviers pour endiguer ce phénomène par des mesures d’urgence et des solutions structurelles.
Défendre la solidarité internationale
Les droits de l’enfant comme boussole. Cette idée-force devrait parcourir bien des pans de l’action de nos gouvernements. C’est le cas de la politique climatique, bien sûr.
Et en ces temps de résurgence des conflits, en Ukraine ou en Palestine, la Belgique devrait continuer à plaider haut et fort pour la protection des enfants et le respect du droit international. Nous demandons de cesser d’autoriser les exportations d’armes là où elles portent atteinte aux droits de l’enfant. La solidarité internationale doit figurer au cœur des préoccupations du prochain exécutif, par l’augmentation de l’aide publique au développement, afin qu’elle tende vers l’objectif de 0,7% du revenu national brut, conformément aux engagements de notre pays.
Ces quelques idées parmi d’autres, nous les défendons dans notre Mémorandum à destination de candidats aux élections. Il est encore temps de faire vivre la campagne électorale au rythme des plus jeunes. Les futurs élus doivent prendre le parti des enfants et protéger leurs droits ici, et ailleurs.
Christèle Devos,
Directrice générale d’UNICEF Belgique