Le coup d’état militaire survenu au Myanmar le 1er février dernier a eu des conséquences catastrophiques pour les enfants. Certains ont été tués, d’autres blessés. De nombreux enfants ont été arrêtés de façon arbitraire, placés en détention, agressés avec du gaz lacrymogène ou repoussés avec des grenades assourdissantes. Beaucoup ont assisté à des scènes de violence extrême qui pourraient avoir des conséquences à long terme sur leur santé : stress et traumatismes psychologiques.
Dans certaines régions du pays, on assite au déplacement de milliers de personnes. La plupart sont accompagnées de nombreux enfants qui ont perdu tous leurs repères : leurs proches, leurs amis, un environnement familier. Ces enfants n’ont désormais plus accès à des services de base tels que la santé, et l’éducation.
Le pays était déjà confronté à des défis importants avant la prise du pouvoir par les militaires. Les dix années de conflit qui ont déchiré le pays et la pandémie de COVID-19 avaient en effet déjà eu des effets très négatifs sur le développement de nombreux enfants dans diverses régions du pays. Aujourd’hui, ils font face à de nouveaux dangers : la violence liée au genre, l’exploitation, les abus, la détention, les déplacements, le trafic d’êtres humains et la séparation d’avec leurs familles.
La crise actuelle que connaît le Myanmar menace la vie et le bien-être de toute une génération. Elle aura des conséquences durables sur l’intégrité physique et mentale de nombreux jeunes, sur leur éducation et leur développement personnel. Les progrès enregistrés à grand peine ces dernières années dans le domaine des droits de l’enfant risquent d’être réduits à néant.
L’obligation de protéger les droits de l’enfant qu’a contractée la Myanmar en ratifiant la Convention relative aux droits de l’enfant semble complètement reléguée au second plan pour l'instant..
L’UNICEF est présent au Myanmar depuis 70 ans. Nous restons dans le pays et apportons une aide humanitaire à sa population.
L’UNICEF reste guidé par les principes de neutralité et d'équité. Nous veillons en priorité à ce que les droits et les intérêts des enfants du Myanmar puissent être respectés et tentons d’assurer la continuité de services cruciaux tels que la santé et l’éducation.
Nous nous occupons en priorité des enfants les plus vulnérables : les enfants pauvres ou porteurs d’un handicap, les enfants migrants et réfugiés, les enfants vivant dans des régions très reculées mais également dans des villes qui sont en état de siège telles que Rangoun et Mandalay.
Bien avant la crise actuelle, les enfants du Myanmar nécessitaient une protection contre la violence, les abus et l'exploitation. De janvier à septembre 2020, 49 enfants ont été tués et 134 autres mutilés à cause du conflit. Depuis la crise actuelle, de nombreux autres enfants ont été tués ou gravement blessés. Ils sont détenus arbitrairement, sans aucune assistance juridique, ou contraints de fuir leur domicile et leur communauté. L'exposition quotidienne à des scènes de violence horrible risque également d'avoir des effets durables sur leur bien-être mental et émotionnel.
- En collaboration avec des conseils juridiques, nous aidons les enfants et les jeunes « en conflit avec la loi » à accéder à une assistance et à une représentation juridiques. Depuis le début de la crise, 62 enfants et 176 jeunes ont bénéficié de ce type d’aide.
- En collaboration avec nos partenaires, nous avons mis en place une ligne d'assistance téléphonique nationale gratuite pour compléter les numéros d'assistance déjà en place. Ce dispositif permet aux enfants et aux jeunes d’avoir un accès facile et rapide à des conseils juridiques.
- Nous diffusons à grande échelle des informations destinées aux enfants et aux adolescents sur leurs droits et sur l'assistance juridique dont ils peuvent bénéficier, en anglais, en birman et dans les autres langues parlées au Myanmar.
- Nous collaborons avec diverses organisations nationales à la mise en place d’une ligne d'assistance téléphonique nationale pour apporter des solutions aux problèmes liés à la santé mentale. Cette ligne permet aux enfants de s’exprimer aussi dans différentes langues locales.
- Nous veillons à ce que les enfants victimes d'abus et de violences puissent se rendre chez des professionnels pour bénéficier de séances de thérapie individuelles.
- Enfin, nous surveillons et recensons les violations graves des droits de l'enfant et les signalons aux Nations unies et à d'autres organismes qui cherchent à obtenir justice.
Une étude de l'UNICEF réalisée avant le coup d’état estimait que la COVID-19 pourrait faire basculer un tiers supplémentaire d'enfants dans la pauvreté, en plus des quelque de 33% qui vivent déjà dans la précarité. La crise actuelle pourrait quant à elle plonger des millions d'enfants supplémentaires dans la pauvreté, les privant d’accès aux services de base, des possibilités de s'épanouir et les exposant encore davantage aux risques d'abus et d'exploitation.
- Nous surveillons l'impact de la crise actuelle sur les enfants, en particulier ceux des familles qui n'ont plus de revenus ou dont les parents se sont appauvris. Les données issues de ce suivi serviront de base aux actions que nous développerons pour protéger les enfants des pires effets de la pauvreté.
- En collaboration avec nos partenaires, nous travaillons à la mise en place d'un système national d'allocations en espèces dont bénéficieront les familles ayant des enfants âgés de 2 à 5 an et/ou des enfants handicapés de moins de 5 ans. Il s’agit d’un système d’allocations inconditionnelles en espèces.
- Nous collaborons avec le Common Health, une société privée, pour faire en sorte que tous les enfants du Myanmar âgés de moins de 6 ans soient couverts par une assurance maladie et aient accès aux soins de santé.
La COVID-19 a perturbé l’éducation de près de 12 millions d'enfants et de jeunes. Actuellement de nombreux établissements scolaires ont été réquisitionnés à des fins militaires. Beaucoup d’enfants n'ont plus accès à l'école, ce qui constitue une grave violation de leurs droits. La crise ne leur permettra peut-être pas de rattraper leur retard et d’avoir une autre chance, hypothéquant ainsi définitivement leur avenir
- Nous travaillons avec des ONG nationales et internationales pour développer davantage l'éducation à domicile, en fournissant des méthodes d'enseignement alternatives et du matériel éducatif de haute qualité.
- Nous soutenons les jeunes enfants dans leur apprentissage des langues et leur développement linguistique en proposant aux enseignants des formations sur les langues ethniques et en compilant des livres d'histoires dans ces langues.
- Nous collaborons avec des ONG nationales et internationales afin de fournir aux enfants un soutien psychosocial.
Depuis le coup d’état militaire, les travailleurs de la santé sont confrontés à des menaces, des intimidations et des violences qui entravent leur travail. Cette défiance vis-à-vis du personnel soignant conjuguée aux différentes faiblesses dont souffrent les infrastructures de santé a entraîné une grave perturbation du système de soins dont les enfants sont les premières victimes. Près d'un million d’entre eux n'ont pas bénéficié de leurs vaccins de base et près de 5 millions n’ont pas reçu les suppléments de vitamine A, essentiels pour les préserver de certaines infections mais aussi dans certains cas de la cécité.
L'accès à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène a également été perturbé en raison de stockages limités et de problèmes au niveaux des transports et de certaines transactions bancaires. Plus de trois millions d'enfants n'ont pas accès à de l'eau potable à domicile. Ils sont dès lors plus vite sujets à des diarrhées et risquent parfois de d’en décéder quand il y a une déshydratation trop importante. C’est surtout vrai pour les enfants de moins de cinq ans.
- Nous collaborons avec nos partenaires afin de fournir des kits de secours et des médicaments essentiels aux enfants qui ont le plus besoin de soins médicaux.
- Alors que les vaccinations de routine ont été suspendues dans la majeure partie du pays, nous continuons, avec nos partenaires, à assurer la vaccination des enfants dans les zones non contrôlées par le gouvernement afin de prévenir des épidémies de rougeole, de diphtérie et de polio
- Nous avons développé des applications pour smartphone qui forment les agents de santé et leur donnent la possibilité de donner des soins en urgence aux femmes et aux enfants, notamment en traumatologie.
- Nous donnons accès aux soins de santé aux femmes enceintes, aux jeunes mères, aux nouveau-nés, aux enfants et aux adolescents et livrons des médicaments et des fournitures essentielles pour sauver des vies et traiter des maladies.
- Nous travaillons avec divers partenaires du secteur privé afin de coordonner au mieux la fourniture d'eau potable aux ménages vulnérables dans les zones urbaines.
Déjà bien avant la crise actuelle, de nombreux enfants du Myanmar souffraient de malnutrition :
- 30 % des enfants de moins de 5 ans présentaient un retard de croissance,
- 7 % des enfants de moins de 5 ans (14 % à Rakhine) souffraient d'insuffisance pondérale,
- 57% des femmes enceintes souffraient d'anémie.
Le manque d'accès à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène risque encore d'aggraver un peu plus cette situation notamment en provoquant des diarrhées à répétition chez les jeunes enfants et des états de malnutrition chronique. Or on sait que de jeunes enfants risquent de mourir de déshydratation diarrhéique lorsqu'ils consomment régulièrement de l'eau souillée ou de souffrir de troubles physiques et cognitifs irréversibles s'ils souffrent de malnutrition pendant une période prolongée.
Dans les États de Kachin, Rakhine et Shan du Nord:
- Nous travaillons avec nos partenaires pour dépister et traiter les enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère.
- Nous fournissons des suppléments de micronutriments vitaux aux enfants et aux femmes enceintes.
- Nous travaillons avec des ONG locales afin de fournir aux mères tous les conseils nécessaires en matière de nutrition pour les nourrissons et les jeunes enfants.